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 Quand les légumes se rebiffent...

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Sybille Walker
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MessageSujet: Quand les légumes se rebiffent...   Quand les légumes se rebiffent... Icon_minitimeDim 29 Mai - 12:43

Hum... Je crois que le nom met directement dans l'ambiance... Donc je vous présente un projet que j'ai eu pendant un certain temps, à l'aide de certains délires avec des amies proches...
C'est une histoire qui parle de... Nan, je ne vais pas le dire, je vous laisse voir de vous même. Mais je vous préviens maintenant que c'est un style très déjanté, voir parfois un peu dur à suivre. A la base, il s'agissait surtout d'une
private joke, qui a pris beaucoup plus d'ampleur au fur et à mesure que je la posais par écrit, donc que personne ne s'inquiète : mon état mental n'est pas si inquiétant que ça (enfin presque).

Quand les légumes se rebiffent... Promo10


Cela étant dit, étant donné qu'il y a plusieurs chapitres, et je je vais les poster petit à petit, voici (pour que vous les retrouviez facilement, malgré les -éventuels- commentaires) un petit sommaire :



(Pas de lien signifie que je n'ai pas encore posté le chapitre... Patieeeence !)

N'hésitez pas à poster à la suite si vous avez envie de me dire ce que vous en avez penser. Je suis toujours heureuse de savoir ce qui est bien, et aussi ce qui n'est pas bien, pour pouvoir m'améliorer !

Enjoy Smile


Dernière édition par Sybille Walker le Dim 29 Mai - 14:32, édité 5 fois
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Sybille Walker
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MessageSujet: Re: Quand les légumes se rebiffent...   Quand les légumes se rebiffent... Icon_minitimeDim 29 Mai - 12:47

I • Rébellion
Savoir qui est l'ennemi, c'est parfois utile...



Une voix s'éleva dans la maison:
" Katie, viens manger! "

Katie descendit quatre à quatre les escaliers qui séparaient sa chambre et le rez-de-chaussée, où se trouvait la cuisine. Depuis plusieurs heures, elle avait l'impression qu'elle allait avaler ses feuilles de cours sans même prendre le temps de les mâcher, tellement elle avait faim. En ouvrant la porte de la cuisine, elle changea de couleur:
" Mais... rien n'est prêt!
- Tu croyais quand même pas que j'allais tout préparer pour toi! Je suis ton père, pas ton larbin.
- OK, OK... je vais préparer la bouffe. Enfin, si tu me dis ce que t'avais prévu.
- Rien du tout!
- Quoi? Tu veux qu'on meure de faim? Mais t'es malade!
- Eh! Du calme. Ouvre le frigo, on mangera ce qu'il reste. "

Tout en grommelant, Katie ouvrit le frigo. Elle ne voulait pas perdre de temps à discuter avec son père de son manque d'organisation. Cependant, l'intérieur de l'appareil lui fit un instant penser aux magazines d'électroménager.

Il était vide.
Complètement vide.
Désespérément vide.

Enfin presque: Il y avait une bouteille d'eau, du steak haché et une boite de conserve rouge, qu'elle prit dans la main.
" Du concentré de tomate, annonça-t-elle avec une pointe d'ironie dans la voix, et du steak. Qu'est ce qu'on va bien pouvoir faire de ça?
- Il me semble qu'il reste des spaghettis dans le placard, on peut faire une sorte de sauce bolognaise.
- Je ne suis pas vraiment sûre que de la sauce tomate et du steak haché fasse une excellente sauce, mais on a pas trop le choix, si on veut éviter de mourir de faim. "

Elle sortit donc les victuailles du frigo, tandis que son père allait chercher les pâtes. Puis elle ouvrit un tiroir qui se trouvait à proximité et se mit à farfouiller dedans.

" Qu'est ce que tu fais? lui demanda son père.
- Ça se voit pas? Je danse la polka.
- Et moi je suis la reine d'Angleterre.
- C'est vrai? Je suis vraiment enchanté, majesté! "

Elle se tordit en deux en une révérence moqueuse, quand elle vit les yeux de son père briller, signe qu'il valait mieux pour elle qu'elle cesse rapidement ses plaisanteries. Elle soupira, et se remit à chercher dans le tiroir en demandant:
" T'as mis où l'ouvre-boîtes?
- C'est ça que tu cherche?
- Bah évidemment!
- Tu ne risque pas de le trouver, je l'ai utilisé hier: il est toujours dans le lave vaisselle "

La jeune fille se releva, énervée.
" Et tu n'aurais pas pu le dire plus tôt?
- Je te rappelle que tu ne m'as pas dit que c'est ça que tu voulais.
- Et tu ne l'avais bien sur pas deviné? "
Le père préféra ignorer la remarque, ouvrit le lave vaisselle, et y prit l'objet tant convoité, avant de le tendre à sa fille, qui s'en empara d'un geste vif. Elle prit ensuite la boite de concentré de tomate dans l'autre main, et entreprit de l'ouvrir.

" Ahhhhhhhh! "

Le cri avait été déchirant. Son père se tourna vers elle, étonné, croyant qu'elle s'était blessé. Elle était couverte des pieds à la tête d'un liquide rouge. Il n'avait jamais supporté la vue du sang, et sans même avoir compris ce qu'il s'était passé, s'évanouit.

*****

" Non, je vous assure que nous ne sommes pas intéressés.
- Notre société est la meilleure en son domaine: la sécurité avant tout, c'est notre devise. Je vous assure qu'aucun cambrioleur n'osera s'approcher de votre habitation si vous êtes chez nous.
- Mais oui, c'est ça... A la vue de votre logo sur nos fenêtres, ils s'enfuiront. Et puis quoi encore? "

Camille posa le combiné en râlant. Elle avait une sainte horreur des démarcheurs, et ne savais plus quoi faire pour s'en débarrasser. Elle leva les yeux au ciel lorsque la sonnerie retentit à nouveau. La jeune fille voulut l'ignorer, mais cela continuait, encore et toujours. Il y avait qu'un seul moyen de s'en débarrasser.
" Je vous ai déjà dit que nous étions très bien assurés! "
Elle avait hurlé, et s'apprêtait à jeter le téléphone furieusement lorsqu'elle entendit une voix familière à l'autre bout du fil.

" Je suis bien contente pour toi, mais je peux savoir en quoi ça me concerne?
- Katie? C'est toi?
- Qui veux-tu que ce soit d'autre, espèce de nouille?
- Désolée, je t'avais prise pour... pour...
- Pour quelqu'un d'autre? J'm'en serais pas doutée!
- Au lieu de te foutre de moi, tu pourrais me dire pourquoi t'appelle? "
Un rire sonore résonna, légèrement déformé par le téléphone.
" Et depuis quand il me faut une raison pour appeler ma meilleure amie?
- Je ne serais pas ta meilleure amie si tu en avait d'autres, tu ne crois pas? "

Cette fois ci, ce fut Camille qui éclata de rire, et Katie capitula:
" Ok, un point pour toi, mais t'en fait pas, j'ai pas dit mon dernier mot!
- Ce serait trop beau!
- Ah ah ah! dit Katie, ironique. Plus sérieusement, tu devinera jamais ce qui m'est arrivée tout à l'heure.
- Non, mais je suppose que tu vas me le dire.
- Rien que pour cette phrase, tu mériterais que je raccroche.
- Non, raconte! "

*****

" Tu t'es retrouvée couverte des pied à la tête de sauce tomate?
- En fait, c'était du concentré, mais c'est quasiment la même chose.
- Eh bah... Il t'en arrive de ces trucs, à toi. "

Camille, pendue à son téléphone, riait aux larmes.
" Je suis pas sûre que mes vêtements trouvent la chose aussi marrante que toi. Ça m'étonnerait même que tu revois mon gilet blanc. Enfin, tu le reverra peut-être, mais d'une autre couleur.
- Mince! moi qui comptait te le piquer. "

Camille entendit la porte s'ouvrir.
" Désolée, Katie, mais je dois te laisser, il y a mes parents qui rentrent... On va peut être ENFIN manger.
- Quoi? T'as pas encore bouffé?
- Ben non!
- Mais il est presque trois heures de l'aprem' ! ! !
- Je sais, et j'ai la dalle!
- Ben... Bon appétit alors... Et méfie toi des tomates.
- T'inquiète pas, je ne m'appelle pas Katie, et je sais ouvrir une conserve. "

Camille raccrocha avant que son amie ait le temps de comprendre ce qu'elle avait dit. Elle se leva de son lit, où elle aimait être allongée quand elle était au téléphone avec ses amies et alla voir ses parents.

" Vous avez rapporté quoi pour ce midi?
- On va faire une raclette, ça te dit? lui demanda son père.
- Ça met du temps à préparer, ça... et j'ai faim, moi!
- Mais non, ça va être rapide: les pommes de terres sont déjà cuites: il suffit juste de les éplucher, de les réchauffer, de sortir l'appareil et d'ouvrir le fromage qu'on a rapporté.
- Juste! remarqua Camille.
- Râler ne fera pas aller plus vite. Aide-nous! "

Le ton de sa mère ne souffrait aucune réplique, et la jeune fille s'exécuta silencieusement. Elle n'était pas assez grande pour prendre l'appareil à raclette, qui était tout en haut d'un placard. Elle attrapa donc un couteau d'une main, et une pomme de terre de l'autre. Elle ressentit alors une vive douleur dans le pouce, et eut un cri de surprise. Quand elle baissa les yeux, elle vit qu'il était en sang.

" Quoi, encore? s'énerva sa mère.
- Je crois que la pomme de terre vient de me mordre.
- Arrête de te ficher de moi et dépêche-toi. Tu n'es pas la seule à avoir faim.
- Mais... "

Sa mère se retourna, et un éclat furieux luisait dans ses yeux... Qui furent vite attiré par la main de Camille.
" Comment tu t'es fait ça? "
Camille soupira, levant les yeux au ciel. Elle détestait se répéter.

*****

" Et après, tu dis que c'est moi qui ne suis pas douée! "
Katie avait éclaté de rire lorsque son amie lui avait fait part, via MSN, de son aventure. Camille, renfrognée, mit son pouce mutilé devant sa webcam:
" Tu trouve toujours ça drôle?
- Enlève ça de sous mes yeux, c'est immonde!
- Comme tu veux, mais arrête de te moquer de moi à chaque occasion. "
Un son qui se voulait musical et qui caractérisait le logiciel de conversation instantané. se fit entendre, et le message tant attendu apparut sur l'écran de chacune des jeunes filles.

Nina vient de se connecter.

Camille fut la plus rapide à l'inviter en conversation vidéo, Mais elle fut vite imitée par Katie. Elles n'avaient trouvée que cette méthode pour pouvoir "vidéoconférer" à trois par MSN. Pendant que le chargement s'effectuait, elle demanda:
" Tu parie combien qu'elle ne va pas nous croire? "
La seul réponse fut un sourire en coin et un froncement de sourcils plutôt ridicule.

" Salut les filles! Vous allez bien? "
La connection était établie. Les deux amies faillirent s'étouffer en regardant l'image qui s'affichait devant elles.

" Mais, qu'est ce que tu as fait à tes cheveux? demanda Katie, au bord de la crise cardiaque.
" C'est juste une nouvelle couleur! Et une nouvelle coupe! Tu aimes? "

La longue chevelure de Nina avait radicalement changé. Maintenant, les mèches les plus basses lui tombaient sur les épaules. Sans oublier leur teinte: elles étaient...

" Vertes? Il n'y avait plus d'autres coloration chez ton coiffeur ou quoi? s'exclama Camille
- Vous énervez pas les filles! tenta Nina
- Euh... dis nous au moins que c'est temporaire. Pitié!
- Ben... hésita la concernée. C'est à dire que... Ça dépend de ce que l'on appelle temporaire. "

Katie leva les yeux au ciel. Décidément, Nina avait beau être une fille géniale, et son amie de surcroît, elle ne la comprendrais jamais. Cette dernière voulut changé de conversation:
" Et quoi de neuf pour vous?
- Rien d'aussi... coloré que toi. "

La réponse de Katie fit rire Camille, qui prit la parole:
" Ça c'est sûr... Mais il nous est arrivé des trucs étranges, à nous aussi!
- Racontez! exigea Nina.
- T'as combien de temps devant toi?
- Ce qu'il faudra! "

*****

" Si je comprend bien, dit Nina, vous vous êtes faites attaquée chacune votre tour par un légume?
- Oui, même si, d'un point de vue technique, une pomme de terre n'est pas un légume, nota Katie.
- Ouais, peut être, mais pour moi, répliqua Camille, tout ce qui sort de terre est un légume.
- Tout? "

Nina était étonné, comme toujours, de la vision du mon de son amie. Katie, quant à elle, fronça les sourcils, avant de demander d'un ton suspicieux:
" Même les vers de terre?
- Non, quand même pas... Les vers de terre ne poussent pas, fit remarquer Camille.

- Et les taupes? continua Katie, après ce qu'il semblait être une intense réflexion.
- Les taupes ? Mais t'a pas entendu ce que je viens de dire, ou quoi ?
- Bah si, mais ça pousse la terre, les taupes ! "

Le ton de Katie était innocent, et ses deux amies éclatèrent de rire.
" Mais t'es trop bête, toi ! lui fit remarquer Nina.
- Oui, mais c'est ce qui fait mon charme ! "
Tout en parlant, la jeune fille passa la main dans ses cheveux et les agita de gauche à droite. Camille le remarqua et lui dit d'un ton très sérieux :
" Parce que tu ne vaux rien !
- Tout à fait ! Et j'en suis fière en plus ! "

Les trois filles riaient lorsque Nina demanda :
- Camille, selon ta théorie, est-ce que l'herbe est un légume ?
- Bah... "
Elle marqua une hésitation, qui dura quelques minutes, avant de continuer :
" Étant donné que la salade en est un...
- Techniquement, non ! la coupa Katie.
- On s'en fout ! répliqua Camille. L'herbe est un légume, un point c'est tout ! "

Le fou rire repartit de plus belle et s'intensifia lorsque Katie commença à faire des bruits étranges, ce qui finissait toujours par arriver quand elle riait. Quand elles eurent retrouvé leur calme, ce qui prit un certain temps, Nina, leur dit :
" Dans ce cas, je crois que j'ai aussi été attaquée par un légume... Enfin, suivant ta conception du légume.
- C'était quoi ? questionna Camille.
- Du persil !
- Comment peut-on se faire attaquer par du persil ? s'étonna Katie.
- Oh ben c'est pas très compliqué, il m'a prit en otage.
- T'es sure qu'on parle toujours du persil ? demanda Camille.
- Aussi sûre que deux et deux font quatre."

La tête de Katie sortit brutalement du cadrage de sa webcam.
" Où tu vas ? l'interrogea Nina.
- Chercher ma calculatrice : il y a quelque chose qui cloche."
Elle réapparut, tapant quelque chose sur un petit objet vert et fit une tête étonnée. Voire choquée.
" Qu'est-ce qu'il y a encore ? demanda Camille.
- Ma calculatrice vient de me confirmer que deux plus deux est égal à quatre.
- Tu en doutais ?
- Avec ce que Nina vient de dire : ouais... "

Nina se racla la gorge bruyamment, faisant sursauter ses deux amies qui crurent un instant à une panne de leurs ordinateurs.
" Et si on revenait à nos moutons... enfin... A mon histoire, quoi !
- Vas-y : nous sommes toutes ouïes ! déclarèrent Katie et Camille d'une même voix.
- Alors voila : j'étais tranquillement en train de hacher du persil, quand il a attrapé un couteau et... "

Un énorme bruit la força à s'arrêter. Katie était repartie dans son fou rire et il paraissait clair que plus rien ne pourrait l'en sortir. Elle émettait des cris qu'on aurait aisément pu confondre avec ceux d'une mouette rieuse ou d'un goéland en pleine crise en bord de mer. Ou avec ceux d'un phoque, voire d'une otarie s'en donnant à coeur joie. Ou encore d'un cochon qui verrait sa dernière heure arriver. Le plus ressemblant étant évidemment le mélange de tous ces cris, et de bien d'autres encore...

" Tu me préviendras quand tu seras calmée, lui fit Nina qui semblait un peu vexée.
- Dé... (IIiiirrrkk !) solée... (IIiiirkk !) J'y... Peux (IIiirrrrk !) Rien. (Iiiirrkkk !)
- On voit ça ! remarqua Camille, qui avait du mal à se retenir de plonger, elle aussi, dans un terrible fou rire.

Il y eut un long silence, ponctuée de cris semblant venir d'une autre planète, qui s'espaçait peu à peu. Quand il eurent disparu, Nina demanda, inquiète :
" Je peux continuer ?
- Je... Crois... lui répondit Katie, qui n'avait toujours pas retrouvé sa respiration.
- D'abord, explique-nous pourquoi il t'a prit en otage ! la pria Camille.
- Il voulait que je le libère.
- Et ? s'enquit la jeune fille, intéressée.
- Ben je l'ai épargné. T'aurais fait quoi avec un couteau pointé sur toi ?
- Elle se serait arrangée pour se faire mordre !" intervint Katie.



Dernière édition par Sybille Walker le Dim 29 Mai - 14:27, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: Quand les légumes se rebiffent...   Quand les légumes se rebiffent... Icon_minitimeDim 29 Mai - 14:22

II • Le Pacte
Quand on a un cerveau pour trois, mieux vaut s'organiser...


" Suite à des attaques répétées d'aliments variés, tout le pays est en état d'alerte. Le président de la République a déclaré hier que cette situation de crise est étudiée en détail par tous les membres du gouvernement, qui tentent de trouver une solution. Il a aussi tenu à rappeler les diverses consignes de sécurité. Il est vivement conseillé de ne manger que de la viande, qui, nous le rappelons, est la seule famille d'aliment n'ayant montré aucun signe d'agressivité. Si vous avez, à votre domicile, un aliment qui se comporte de manière suspecte, un numéro vert est mis à votre disposition..."

Alors qu'un numéro apparaissait sur l'écran de sa télévision, Katie l'éteignit. Ce flash d'information passait toutes les cinq minutes depuis environ une semaine. Au début, tout le monde croyait à une blague. Puis il y avait eu des morts...

Elle écarta doucement les rideaux de sa fenêtre. Dehors, l'armée faisait des rondes. Les militaires étaient les seuls à avoir le droit de sortir. Soudain, quelque chose s'écrasa sur le double vitrage, laissant une grande tache verte. Sûrement un poireau. Chaque "légume", comme elle les appelait, avait un semblant d'intelligence, mais pas au même niveau. Et il était clair pour tout le monde que les poireaux n'étaient pas les plus futés.

Deux semaines s'étaient écoulées depuis qu'elle avait taché son gilet préféré en voulant faire cuire de la sauce bolognaise... et tout ce en quoi elle croyait avait changé. Elle se dirigea vers son téléphone, et composa le numéro de Camille, avant de laisser échapper un juron.

Pas de tonalité. Les légumes devaient avoir coupé les lignes téléphoniques. Elle ne pouvait donc pas joindre son amie. Quelle importance, après tout ? Elles seraient bientôt réunies. Elle devait juste attendre quelques heures. Elle devait juste attendre que la nuit tombe.

*****

Camille se préparait. Il faisait déjà sombre dehors. Elle se revêtit d’un imperméable noir, pour passer aussi inaperçue que possible. Puis, en soupirant, elle attrapa un pique à brochette que Nina avait réussi à rallonger. Avec ça, elle pourrait tenir les légumes à distance… Ou les attaquer si nécessaire. Elle prit quand même un couteau, par précautions. Puis elle sortit, en vérifiant auparavant que ses parents était suffisamment endormis pour se rendre compte de sa disparition.

Elle détestait leur cacher ce qu’elle faisait, mais ils n’auraient pas compris, et elle ne voulait pas s’entendre dire que l’armée était là pour ça. Les soldats qui patrouillaient dans les rues ne savaient rien. Ils essayaient simplement de protéger la ville… et là encore, ils ne réussissaient pas.

Elle descendit silencieusement les escaliers, et se retrouva dehors. Elle se mit alors à courir, tout en tentant de rester dans l’ombre au maximum. Si quelqu’un la voyait, elle aurait quelques ennuis. Elle se le répétait à chacune de ses sorties nocturnes, mais, malgré l’habitude, la peur lui tiraillait l’estomac.

Lorsqu’elle arriva devant la porte de la maison où habitait Katie, et sourit, soulagée. Elle la contourna et frappa quelques coups à la porte qui se trouait derrière. Mais avant que son amie ait pu lui ouvrir, elle sentit une douleur s’insinuer dans son pied droit. Elle ne fut pas surprise. Le chemin s’était déroulé sans encombres, c’était forcément trop beau. Elle baissa les yeux et embrocha la courgette avec son pique. La porte s’ouvrit alors, et Camille demanda :
" On se fait une courgette grillée ?"

Katie lui sourit et la laissa entrer, et la jeune fille vit des cheveux verts se jeter vers elle.
" Nina ? Comment tu as fait pour arriver avant moi ?
- Je suis partie plus tôt, c'est tout !"

*****

Les trois filles étaient assises en cercle au milieu du garage, surchargé. De vieux cartons de déménagement traînaient sur les étagères et des vélos étaient entassés un peu partout. C'était le garage de la maison où Katie vivait, un des rares endroits où elles pouvaient se retrouver sans risquer de se faire arrêter par les soldats. La pièce ressemblait d'ailleurs beaucoup à la jeune fille : très bordélique.

" Attendez, les filles, je vais chercher quelque chose."

Ce devait être la vingtième fois qu'elle faussait compagnie à Nina et à Camille, et si ces dernières ne l'avaient pas aussi bien connue, elles se seraient certainement posé des questions. Mais en vérité, Katie ne faisait qu'aller chercher divers objets donc elles avaient besoin, au fur et à mesure : Lampes, nourriture, boissons, musique,... Elle n'avait jamais fini. En effet, elle n'avait jamais été capable de penser à tout ce qu'il lui fallait en même temps.

Cette fois, elle trébucha sur la courgette que Camille avait laissée par terre peu après son arrivée. Elle eut un mouvement de colère avant de grommeler :

" Même embrochés, ils ne nous laissent jamais tranquilles ! Quelle plaie !"

Ses amies eurent un hochement de tête, et Katie continua son chemin jusqu'à sortir de la pièce, et de leur champ de vision par la même occasion. Elle préférait que ses amies ne se promènent pas dans la maison. Le garage, personne ne risquait d'y venir, mais ailleurs... Son frère et ses parents étaient censés dormir, mais elle préférait ne pas prendre de risques inutiles.

Elle revint avec quelques crayons et une petite pile de feuilles :
" Qu'est ce que tu veux faire avec ca ? lui demanda Nina.
- Je pense qu'elle veut écrire quelque chose, répliqua Camille, pour montrer qu'elle était une fine observatrice.
- Je me doute... mais quoi ?
- Je veux tout simplement mettre sur papier ce que nous avons décidé ce soir, déclara Katie d'un ton solennel.
- A propos des légumes ?"

Les regards se tournèrent vers Camille qui avait posé la question. Elle ne fut pas longue à s'en rendre compte et eut un haussement de sourcils surpris :
" Quoi ?"

Ses deux amies se regardèrent avant d'éclater de rire. et Nina ne put résister à l'envie de se moquer de son amie :
" Voyons, de quoi avons nous discuté à part des légumes ? Euh... De rien ! Donc oui, je pense qu'elle parlait des légumes.
- Iiirk !"

Katie n'avait pas pu retenir son cri plus longtemps. Nina et Camille se tournèrent vers elle avec le même regard effrayé. D'habitude, ça les faisait rire... Mais la situation était différente. Il fallait à tout prix éviter de réveiller qui que ce soit dans la maison. Sous le regard anxieux de ses amies, Katie se calma.

Toutes trois restèrent alors silencieuses durant un quart d'heure afin de guetter le moindre bruit qui aurait signalé qu'elles étaient repérées. Mais rien ne vint, et Nina brisa le pesant silence :

" C'est une bonne chose que ta famille ait le sommeil lourd !"

*****

Le stylo passa de mains en mains, si bien que les nombreuses feuilles sur lesquelles elles écrivaient furent vite illisibles. Leurs écritures se mélangeaient, s'entrelaçait, se complétait de telle sorte que personnes, elles mis à part n'aurait pu tirer le moindre mot de ce fouillis.

Nina fut la dernière à avoir les gribouillages dans les mains. Quand elle les reposa devant elle, au milieu du cercle qu'elle et ses deux amies formaient, il eut un imperceptible soupir de soulagement.

" Personne n'a rien à ajouter ? " interrogea Katie pour la énième fois. Pourtant, cette fois ci, Camille et Nina se regardèrent et eurent le même mouvement de tête, de gauche à droite. Cela faisait un certain temps qu’elles étaient plongées sur leur projet.

" Bon ! Tant mieux alors. C'est quelle heure ?"
Camille leva les yeux au ciel. Katie n'ayant jamais de montre, elle demandait constamment l'heure. La réaction de Nina fut plus violente :
" Merde !"
Sans se démonter, Katie lui fit son plus beau sourire en répondant :
" C'est pas une heure.
- Si ! C'est une heure !"

Les regards se tournèrent vers Camille. Ses deux amies ne comprenaient pas sa phrase... jusqu'à ce qu'elles voient que la jeune fille tenait à sa main son portable, qu'elle avait allumé afin de voir la minuscule horloge. Les quatre filles pouffèrent silencieusement.

" Il serait peut-être temps de mettre un terme à cette agréable réunion... non ? fit Katie en se levant.
- Tout à fait d'accord !"

Tout en parlant, Camille avait étouffé un bâillement. Nina, elle, s'étira avant d'essayer de tenir sur ses jambes... pour s'effondrer une demi-seconde plus tard.

" J'ai oublié comment on fait, s'expliqua-t-elle.
- Attends, je vais t'aider, proposa Katie "
Elle lui tendit son bras et l'aida à se lever. Ce fut laborieux, mais une fois fait, Nina plongea ses yeux bruns dans ceux de son amie et commença à prononcer sa réplique favorite :
" T'as de beaux yeux, tu... "
Elle ne finit pas sa phrase, mais eu un léger cri de surprise.

" Qu'est-ce que tu leur as fait ?
- C'est juste des lentilles. Tu n'avais pas remarqué ?
- Ben non ! Au cas où tu n'aurais pas vu, il fait nuit et ton garage n'est pas un lieu très éclairé.
- D'accord, fit Katie, pensive. Et tu les trouves comment ?
- Elles sont belles... Et ça change !"

Camille, débarquant tout juste de la planète je-rêve-parce-que-je-veux-finir-ma-nuit-ou-la-commencer-ce-qui-serait-mieux, demanda :
" Fais moi voir !"

Katie s'exécuta, sachant qu'elle n'avait pas vraiment le choix. Son amie l'examina sous toutes les coutures, même celles qui n'avaient aucun rapport avec ses lentilles, et déclara :
" Ça te va bien. Ça me fait un peu penser à Ewilan, mais comme tu es brune, ça passe !
- Ç'aurait été moche si j'avais été blonde ?
- J'ai pas dis ça !
- Mouais... C'est pourtant ce que j'ai compris."

*****

Nina était chez elle, devant son ordinateur. Tout en mâchouillant sa mèche bleue, unique vestige de son ancienne coiffure, qu'elle avait gardée de façon à ne pas trop choquer son entourage, elle lisait les feuilles qu'elle avait écrites en compagnie de ses amies, et recopiait, de temps à autre, quelques phrases dans un mail.

Parfois, elle soupirait face aux idées absurdes qu'elles avaient eues.
A d’autres moments, elle riait.

Cela lui faisait du bien de voir qu’aucune d’elle n’avait changé d’état d’esprit depuis que… Enfin, depuis que la situation avait changé. Elle était restée prête à rire et à raconter n’importe quoi, malgré tout ce qui se produisait depuis quelques temps. Lorsqu'elle eut fini, elle se cala confortablement dans sa chaise pour respirer. Elle en avait mis du temps !

Lorsqu'elle estima être suffisamment détendue, elle relut le mail pour corriger l'orthographe et la grammaire. Il fallait que ce soit parfait.

*****

De: bluenina@hotmail.net
A: madcamz@caramail.com ; k-t@hotmail.net
Objet: Comme si vous ne le saviez pas...

PACTE DE L'USAL

Nous, soussignées Camille, Katie et Nina, déclarons avoir pris connaissance des présentes règles liées à notre intégration dans l'USAL, et nous engageons à les respecter.

1- Est appelé légumes dans les articles suivant tout aliment et élément poussant dans la terre. Aucun animal -y compris les taupes- ne pourra être considéré comme tel.

2- L'appartenance des fruits à la catégorie des légumes est encore discutable. Si un fruit attaque un membre de l'USAL, il sera considéré comme un légume.

3- L'USAL est l'Unité Spéciale Anti-Légumes. C'est une organisation secrète crée par les signataires de ce pacte. Ce sont également les uniques membres.

4- La discrétion la plus totale sur les activités de cette organisation doit être respectée. Une infraction à cette règle sera condamnable du bannissement de l'USAL.

5- Les membres de l'USAL doivent s'opposer, quoiqu'il arrive, aux agissements des légumes, et si possible y mettre un terme.

6- Les membres ne doivent avoir aucun secret les unes pour les autres, principalement en ce qui concerne les légumes.

7- L'Unité Spéciale Anti-Légumes se réunira une fois par semaine. Chaque membre se devra d'y porter le badge, lorsque celui-ci sera créé.

8- Le but des membres de l'USAL, est de s'assagir à leur maximum, de façon à avoir plus de chance de vaincre les légumes, en sachant que "si le fou persistait dans sa folie, il deviendrait sage." (W. Blake)

9- Comme les mousquetaires, la devise des "Usaliens" est : Un pour tous et tous pour un. Quoiqu'il arrive, l'USAL se doit de rester une unité, c'est à dire que ses membres doivent rester soudés.

10- Le présent pacte peut être modifié, à l'unique condition que les trois signataires soient d'accord.


*****

Après avoir relu ce qu’elle avait écrit, Nina soupira. Ça avait l’air bien sérieux, tout ça. Elle prit une autre écriture, une autre couleur, et ajouta :

" Et voilà ! Lisez le bien et notez les améliorations que vous aurez à faire, nous verrons ça la prochaine fois que nous nous verrons, et, au cas où il n’y aurait aucun changement, je l’imprime afin que nous puissions le signer officiellement. D’ailleurs, ce sera quand la prochaine fois ? Répondez-moi vite, parce que je sens que je vais m’ennuyer si vous n’êtes pas la pour dire n’importe quoi…
Cela dit, je vous fais de gros bisous à toutes les deux, et je retourne à mon existence morne, cloîtrée chez moi. Je vais sûrement passer le reste de l’après midi à attendre qu’un poireau s’écrase contre ma fenêtre… Alors s’il vous plait, faîtes quelques chose !
Nina, qui commence déjà à déprimer. "
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Sybille Walker
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MessageSujet: Re: Quand les légumes se rebiffent...   Quand les légumes se rebiffent... Icon_minitimeDim 29 Mai - 14:31

III • Héroïnes ?
Jouer les héros, ce n'est pas remboursé par la sécu.


Camille éteignis son ordinateur, et décrocha son téléphone. Elle composa un numéro, et attendit, écoutant attentivement la tonalité de chaque sonnerie... jusqu'à ce qu'il n'y en ait plus.

" Allo ?
- Nina ?
- C'est le nom qu'on m'a donné.
- C'est ce qu'il me semblait.
- Qu'est-ce que tu veux, Camille ?
- Tout d'abord, savoir comment tu as su que c'était moi, ce serait bien.
- J'ai reconnu ta voix. Ce n'est pas difficile...
- Mouais. Tu pourras dire ce que tu veux, je ne suis pas vraiment convaincue... Je suis sure que ton téléphone affiche les numéros. C'est la seule explication pour que ce soit toujours toi qui répondes quand je t'appelle et que tu ne te trompe jamais de nom...
- Pense ce que tu ceux. Je t'ai déjà montré que mon téléphone n'a pas l'affichage du correspondant. "

Camille soupira. C'était vrai, mais elle détestait le fait que son amie ait autant d'instinct. Ce n'était pas normal. Elle avait forcément un truc. Sentant que ce sujet était clos, Nina en changea :

" Et qu'y a-t-il d'autre ?
- Je voulais vérifier que tu quittais un peu ta fenêtre.
- Ben c'est raté. Le douzième poireau vient de se crasher lamentablement... comme ses prédécesseurs.
- C'est affligeant.
- Tu l'as dit. "

Il y eut un silence qui dura plus longtemps que d'habitude, mais Camille le brisa :

" Je voulais aussi que tu saches qu'on se réunit ce soir.
- Où ?
- Chez moi. Je pense que ce serait le mieux. Je ne pense pas qu'on nous entende. "

*****

" Ah ! Enfin, te voila ! "
Nina venait à peine d'entrer dans le garage situé sous l'appartement de Camille, et Katie la tenait déjà dans ses bras. Un instant plus tôt, une terrible crainte l'avait assaillie : elles s'étaient données rendez-vous, comme d'habitude, au coucher du soleil. La jeune fille avait beaucoup tardé. Il était à présent environ 21 heures. Camille, ne pouvant démontrer son affection à son amie car il n'y avait plus de place devant elle, demanda :

" Comment se fait-il que tu sois à ce point en retard ?
- C'est une longue histoire... Je suis partie de chez moi, comme d'habitude, dès que le jour a commencé à baisser, mais, j'ai été obligée de faire un léger détour.
- Pourquoi ?
- J'ai aperçu un attroupement étrange, dans le parc. "

Elles connaissaient toutes les trois très bien cet endroit. Lorsqu'elles étaient petites, elles s'y rendaient souvent, comme la majorité des enfants de la ville. C'était un lieu dont elles gardaient beaucoup de souvenirs, bon ou mauvais, mais qu'elles ne pouvaient quasiment plus voir à cause de l'interdiction de sortir qui s'appliquait, depuis le début des attaques, à toutes les personnes auxquelles ce n'était pas nécessaire. Les adolescents en faisaient évidemment partie. Ce parc était à mi-chemin entre la maison de Nina, et l'appartement de Camille. C'était donc Katie qui était jalouse de ses amies, car elle savait que ce n'était pas dans son intérêt de faire un détour pour voir ce lieu qui leur tenait tant à cœur, à toutes les trois.

" Quel genre d'attroupement ? demanda Camille.
- Le genre à faire le bonheur d'un végétarien, si tu vois ce que je veux dire. "

L'expression était assez claire pour être comprise par chacune, et leur arracha même un léger sourire, lorsque Katie ajouta :

" Ou son malheur, si ces légumes étaient aussi agressifs que les autres. Je doute qu'ils se laissent dévorer.
- Ou son malheur, répéta Nina en hochant la tête pour approuver.
- Et... commença Camille, plus soucieuse de connaitre la suite de l'histoire que les mésaventures des végétariens.
- Et j'ai décidé de jeter un petit coup d'œil. "

Katie soupira. Heureusement que son amie semblait saine et sauve, sinon elle lui aurait fait un cours en long, en large et travers pour qu'elle se souvienne du mot prudence. A la place, elle dit simplement :

" La prochaine fois, avant de jouer les héros, rappelle-toi que ce n'est pas remboursé par la sécurité sociale. "

Sa réplique arracha à Nina un rire si nerveux que ses amies se doutèrent que, bien qu'elle s'en soit sortie sans trop de dégâts, elle avait eu une belle frayeur. Lorsqu'elle se calma, elle demanda :

" Alors, je vous raconte ce que j'ai vu ou pas ?
- Bien sûr que oui ", répondirent Camille et Katie en chœur.

*****

" Je me suis discrètement approchée du groupe, mais ils n'avaient pas l'air de remarquer ma présence, ou même de s'intéresser à quoique ce soit, hormis à ce qu'il se passait à l'intérieur d'un cercle étrange, qu'ils formaient. Je décidai donc de m'avancer encore plus. Curiosité oblige. La chance semblait être de mon coté : il y a eut juste un ou deux poireaux qui se sont tournés vers moi, mais ils n'ont rien dit. Ils ont du me prendre pour un légume...
Quoiqu'il en soit, j'ai pu voir ce qu'ils regardaient tous avec autant d'attention, et ce n'était pas commun. "

Afin de laisser planer le suspens, Nina interrompit un moment sa narration, et secoua la tête. Mais lorsqu'elle vit le regard avide de ses amies, elle eut pitié d'elles et continua :

" Je ne sais pas comment décrire ce que j'ai vu, c'était trop... bizarre. Je n'avais vu ca, vous savez, alors ca m’a fait comme un choc. C'était un groupe de... Comment dire ? "

Elle semblait chercher ses mots, et Katie demanda, pour l'aider :
" De légumes ?
- Euh... Peut-être.
- Comment ça, "peut-être" ? s'étonna Camille.
- Et bien, continua Nina, ca ressemblait à des choux, mais il était étrange, ce n'était pas des choux ordinaires. Ça n'avait rien de choux ordinaires. "

Katie et Camille regardaient la jeune fille, qui tortillait sa mèche bleue, signe d'une intense réflexion, voire d'un stress, qu'elles n'arrivaient pas à s'expliquer.

" Comment ça ? Ils étaient malades ? Ils avaient des vers ? Des limaces ? Les autres légumes leur avaient coupé les racines ? proposa gentiment Camille.
- Pas vraiment... D'ailleurs, je ne suis pas sure qu'il s'agissait vraiment de choux, mais c'est le légume qui y ressemble le plus. En réalité, il s'agissait d'autre chose. Ces... Ces choux semblaient voler.
- Ils volaient quoi ? Ils volaient des chaussures à l'étalage ? Des fruits ? s'enquit Katie.
- Mais non ! désespéra Nina. Ils volaient. Dans les airs. "

Il y eut un silence assez gêné où les trois jeunes filles se regardèrent dans le blanc des yeux, sans rien dire. Camille et Katie se demandaient surtout si leur amie ne se moquait pas d'elles, et, d'un autre coté, elles ne voulaient pas éclater de rire. Nina avait l'air si sérieuse que cela leur était impossible.

" Mais... ils ne touchaient pas le sol ? "
Cette simple phrase détendit l'atmosphère et, alors que Katie et Nina éclataient de rire, Camille, qui était bien évidemment celle qui avait parlé, s'empourpra.
" Non, ils volaient, mais leurs pieds touchaient encore le sol. Tu me prends pour une abrutie ou quoi ? articula Nina entre deux rires.
- Heu… intervint Katie, depuis quand les légumes ont des pieds ?
- Ils n’en ont pas, et c’est principalement pour ca que les pieds de ceux-là ne touchaient pas le sol. "

Les trois jeunes filles rirent de plus belle. Quand elles furent calmées, Katie sortie de son sac - noir, comme tous ses vêtements - trois badges. Ils étaient noirs et représentaient un poireau, barré d'un trait rouge.

" Ce sont les badges de l'USAL, précisa-t-elle.
- On aurait pu s'en douter. "

Nina avait toujours été la plus observatrice de la bande, et c'est ainsi qu'elle avait remarqué que, sur le trait rouge, une fine écriture noire indiquait "Unité Spéciale Anti-Légume".

*****

Un peu plus tard, les trois jeunes filles s'apprêtaient à signer le pacte, qu'avait imprimé Nina en guise d'exemplaire officiel. Lorsque ce fut son tour de signer, Katie prit la parole :

" Avant de signer, j'aimerais dire quelque chose à propos des légumes. Je m'étais trompée. Après avoir cherché sur internet, je me suis rendue compte que ma définition du légume était assez restreinte.
- Et c'est quoi la définition officielle ? demanda Camille.
- Justement, c'est là le problème. Il n'y en a pas.
- Ah. Bah, ce n'est pas si gênant que ça. On garde notre définition. Signe vite ! On pourra faire autre chose après. "

Une fois que la jeune fille eut mit son paraphe - la dernière - sur la feuille de papier, elle demanda :

" Faire quoi ?
- Tu n'as rien écouté à ce que j'ai raconté, on dirait... s'exclama Nina.
- Ben... Si, mais je ne vois pas le rapp... "

Elle s'interrompit dans sa phrase, comprenant où ses amies voulaient en venir. Ses yeux s'illuminèrent alors, et elle pâlit, puis rougit, puis pâlit à nouveau. Enfin, elle prit son courage à deux mains pour questionner, affolée, ses deux amies :
" Mais vous êtes folles ?
- Oui, répondit laconiquement Camille.
- Vous ne pensez pas qu'on risque de se faire tuer ?
- J'ai survécu, fit Nina.
- Mais tu étais seule. Là, si j'ai bien compris, on sera trois, continua Katie.
- Raison de plus. On se protégera mutuellement. "

Face à ses amies, la jeune fille dut se rendre à l'évidence. Elle n'avait aucune chance de leur faire entendre raison. Ce n'était pas la première fois qu'elle essayait, et elle savait pertinemment que ce ne serait pas la dernière. Dans ces conditions, pourquoi s'entêter ? Baissant les bras, elle attrapa son pic à brochette rallongé et soupira :

" On y va ? "

*****

Après être sortie discrètement du garage, les trois jeunes filles se dirigèrent vers le parc. Il n'y avait plus aucune trace de l'attroupement qui avait tant intrigué Nina.

" Tu es sure qu'on est au bon endroit ? demanda Katie.
- Non. J'habite dans cette ville depuis toujours, mais je me suis perdue. On est à environ 500 kilomètres du lieu où je les ai vus, fit ironiquement l'intéressée.
- Le parc est grand, ajouta Camille, tu as pu te tromper de coté...
- Combien de fois il va falloir que je vous le dise. Je suis sûre, certaine, absolument convaincue qu'ils étaient ici. Ici même. Pas même à un ou deux mètres. Il y avait un des choux ici. Précisément.
- Ils ont dû partir, fit Camille. "

Katie soupira. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres. Finalement, elle avait eu peur pour rien. Aucune de ses amies ne remarquèrent son soulagement, mais Nina sursauta lorsqu'un bruit de moteur se fit entendre. Les seules personnes ayant le droit d'être dehors, la nuit étant les militaires, les trois jeunes filles n'eurent pas besoin de regarder dans la direction d'où venait le bruit pour savoir ce qui arrivait. Camille murmura, dans un souffle à peine audible :
" J'aime pas ca. Je vous rappelle qu'on n’est pas censées être ici. Je préfèrerais ne pas me faire prendre.
- Tu es sûre ? D'après ce que j'ai vu des militaires qui font leur ronde le jour, il y en a qui sont mignons. Alors je pense que la nuit aussi, fit remarquer Katie.
- Peut-être, répondit Nina, mais je me suis fait prendre pour un légume une fois dans la journée. Je n'ai pas envie de rester ici pour savoir s'ils vont aussi faire l'erreur. Venez. On se casse. "

Sans regarder derrière elle, la jeune fille entraîna ses amies, et elles sortirent toutes trois du parc. Elles s’arrêtèrent ensuite un instant, à l’abri des regards dans une ruelle sombre, afin de reprendre leur souffle. Katie fut la première à lever la tête pour regarder ses amies.

" Qu'est ce qu'on est courageuses, quand même. Ça me sidère. On entend une voiture et on se barre en courant.
- C'est toi qui as dit que jouer les héros n'était pas remboursé par la Sécu, lui répondit Nina. Et, dans un sens, je pense que tu n'avais pas tout à fait tort.
- Il faudrait quand même qu'on soit un peu moins trouillardes, si on veut faire quelque chose contre eux. "

Katie n'avait aucun besoin de préciser de qui elle parlait. Elles le savaient toutes. Camille réfléchit un instant avant de souffler, entre deux respirations haletantes :

" Premièrement, on n’est pas trouillardes. On tient juste à la vie. Deuxièmement: Tu conseilles quoi ? Qu'on aille chercher le magicien d'Oz ? "

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